137 - QRM 25 réponses et commentaires


QRM 25 : Quels arguments peuvent être évoqués pour  s’opposer à une dépénalisation de l’euthanasie :

  • A. la plupart des demandes d'euthanasie sont réversibles après accompagnement de la personne et prise en charge de la souffrance exprimée
  • B. la dignité est inhérente à l’être humain, quelle que soit sa condition
  • C. l'euthanasie est incompatible avec certains repères éthiques du soin
  • D. l'euthanasie pourrait porter atteinte aux plus vulnérables
  • E. l’expérience des pays ayant dépénalisé l’euthanasie montre qu’il est difficile de maintenir le respect des critères et de la procédure malgré le cadre légal

Quelques arguments pour s’opposer à une dépénalisation de l’euthanasie

  • Une demande complexe, influencée par des éléments contextuels, et le plus souvent réversible

Les opposants à une dépénalisation de l’euthanasie évoquent la complexité de la demande d’euthanasie et du contexte dans laquelle elle survient. Ils soulignent qu’il existe souvent  une dimension d’ambivalence dans la demande. De plus, la personne demandeuse est fréquemment  sous influences ou dépendante de facteurs internes (perte de l’estime de soi, culpabilité, perte de sens, dépression…), relationnels (solitude, épuisement de l’entourage, conflits avec les proches…), médicaux (contexte d’acharnement thérapeutique…), sociaux (isolement social, absence de lieu de vie adapté, coût financier des institutions type EHPAD…).
Dans leurs expériences, la très grande majorité des demandes d’euthanasie disparaissent si l’on prend soin des personnes demandeuses et si l’on tente de répondre à ce qui semble générer leurs demandes.

  • Une dignité inaliénable

Le concept de dignité est aussi évoqué. La dignité est inhérente à la condition humaine. Elle ne se réduit pas à ce qu’éprouve la personne malade ou à la manière dont les autres la considèrent. Un sentiment d'indignité ne signifie pas la perte de sa dignité. Un des enjeux d’humanité est de vivre une solidarité et une sollicitude envers la personne humaine, quelle que soit sa présentation ou son vécu.

  • Le maintien de distinctions entre les décisions médicales (cf tableau)

En ce qui concerne la qualification éthique des décisions médicales, les opposants à la dépénalisation de l’euthanasie rejettent une éthique uniquement conséquentialiste.
L’éthique conséquentialiste évalue la justesse d’une action en fonction de son résultat. Ce n’est pas le cas pour une éthique déontologique qui apprécie l’action en fonction du respect d’une loi morale posée universellement en l’humain ou, par extension, en prêtant attention à l’intention du décideur.
D’autres éthiques établiront des distinctions entre les décisions médicales en distinguant les procédures (méthodes de délibération, produit injecté sédatif ou létal, ajout ou retrait de technique), le parcours du patient (patient qui serait décédé s’il n’avait pas été réanimé/ patient décédé suite à l’injection d’un produit) ou les modalités du décès (immédiat en cas d’euthanasie / parfois prolongé en cas d’arrêt des traitements).

  • Une incompatibilité avec les repères éthiques du soin

Certains soignants soulignent aussi l’opposition entre une mission de soins axée sur le soutien de la vie, la protection du plus vulnérable et une pratique d’arrêt de la vie. Ils soulignent l’incompatibilité des repères et mentionnent le risque d’une perte de confiance des personnes gravement malades vis-à-vis des médecins.

  • Une crainte des conséquences sociales

Ils s’interrogent sur les conséquences sociales, culturelles et symboliques que pourraient avoir une dépénalisation de l’euthanasie. Cela valoriserait une conception individualiste de l’existence, engendrerait un déficit d’attention envers les personnes les plus fragiles, une perte des solidarités et une modification radicale des repères sociétaux.

  • Une difficile organisation

Des arguments pragmatiques sont aussi évoqués. Si la dépénalisation de l’euthanasie est votée, l’Etat aura la responsabilité d’organiser son application sur l’ensemble du territoire. Chaque français, s’il en fait la demande, devrait pouvoir disposer d’un praticien acceptant de pratiquer une euthanasie selon la procédure légale et médicale formalisée. Or les médecins pourront disposer d’une clause de conscience. Il n’est donc pas sûr que le patient demandeur puisse trouver un médecin acceptant de répondre à sa demande. Dans cette hypothèse, quelles alternatives pour les patients demandeurs d’euthanasie qui ne trouveraient pas de médecin pour réaliser leurs souhaits ? Dans ce scénario, la loi créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.

  • Distinctions entre sédation et euthanasie
  Sédation Euthanasie
Intention

Soulager en diminuant la vigilance

Arrêter la vie

Procédure, produit et doses

Administrer un sédatif

Les doses de sédatif sont graduées afin d’obtenir une somnolence

Administrer un médicament létal
Les doses utilisées sont importantes et calculées pour être létales
Résultat Soulagement de la détresse Mort rapide du patient
Durée de l’agonie si survenue du décès Parfois longue Très courte
(quelques secondes à minutes)
  • Distinctions entre ne plus s’opposer à la venue de la mort et euthanasie

 

Ne plus s’opposer à la venue de la mort

Euthanasie
Intention Ne plus chercher à prolonger artificiellement l’existence
Prendre soin, poursuivre la relation
Arrêter la vie

 

Technique Retirer la technique Faire un geste technique
Parcours médical

Si la technique n’avait pas été prescrite, le patient serait déjà mort (réa)

La personne vit indépendamment de la technique (le plus souvent)
Agonie Parfois longue Quelques secondes à minutes
Repères psychiques Retrait et démaîtrise Maîtrise
Éthique Construction d’un rapport à la technique avec proportionnalité des traitements

Autodétermination

Conséquentialisme

 

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