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Les yeux dans les yeux

Rencontres en soins palliatifs

Interview de Robin FB.

" Beaucoup de gens imaginent que les soins palliatifs sont uniquement
liés aux derniers jours de vie.
Mais c'est surtout un lieu où on apaise la douleur, physique et psychique, un espace de générosité, d'écoute, d'humilité.

Des valeurs dont on a bien besoin. "

Est-ce que tu peux te présenter et nous expliquer ce que tu fais comme bénévole en soins palliatifs ?

Je suis Robin. Je suis bénévole en unité de soins palliatifs depuis plusieurs années. J’ai commencé en journée, puis j’ai changé de rythme de vie et je me suis orienté vers le bénévolat en soirée. Depuis, je continue le soir, ça me correspond bien.

Est-ce que c’est différent, justement, d’être là le soir ?

Oui, c’est très différent. Le soir, l’ambiance est plus calme, plus feutrée. On ne commence pas par là quand on débute comme bénévole, il faut un peu d’expérience. On forme une petite équipe : un binôme de bénévoles qui travaille en lien étroit avec l’équipe soignante de nuit. Il faut une vraie confiance, une complicité, pour que les choses se passent bien.

Qu’est-ce qui t’a amené au bénévolat en soins palliatifs ?

C’est un peu un concours de circonstances. Une amie m’avait parlé d’une unité de soins palliatifs, sans que je sache vraiment de quoi il s’agissait. Et plus tard, quand j’ai cherché à donner un peu de mon temps, une autre amie m’a proposé ce type de bénévolat. Je n’avais pas vécu de deuil particulier, ce n’était pas une démarche liée à un événement personnel. Finalement, j’ai réalisé que j’aimais la rencontre, les échanges avec les gens, quel que soit leur âge ou leur histoire. Et ici, je suis vraiment à ma place.

Comment tu expliquerais les soins palliatifs à quelqu’un qui ne connaît pas ?

Je dirais d’abord qu’on y soigne la douleur. Beaucoup de gens imaginent que les soins palliatifs sont uniquement liés aux derniers jours de vie. Mais c’est surtout un lieu où l’on apaise la douleur, physique et psychique. J’ai vu des personnes arriver en souffrance, et revivre une fois soulagées. Certaines se remaquillent, se font faire les ongles, reprennent goût à la vie. Parce que la douleur ne fait plus partie du quotidien.
Mais le mot "palliatif" fait peur, il est mal compris. Ce serait plus clair de dire “un lieu où l’on prend soin de la douleur”, ou “un lieu d’accompagnement”. Il y a un vrai travail à faire pour mieux faire connaître ce que sont vraiment les soins palliatifs.
Plutôt que de légiférer sur la fin de vie, il faut offrir à tous un vrai accompagnement, une alternative.

Quel rapport tu as avec les familles des patients ?

Le soir, je suis souvent plus en lien avec les familles que les patients eux-mêmes. Et chaque famille est unique. Il y a des familles très présentes, très soudées. Et d’autres en conflit, éclatées, marquées par des histoires complexes. Il faut être très attentif, marcher sur des œufs, ne pas juger. Parfois, on ne connaît pas les passés, les douleurs anciennes. Il faut rester à sa place.
Mais il y a aussi de beaux moments. Une fois, j’avais apporté un gâteau pour mon anniversaire, pour les soignants. Une famille était là, dans une ambiance paisible. J’ai proposé un morceau à l’épouse du patient, puis au fils – c’était son anniversaire la veille. On a fêté ça ensemble, dans ce moment à la fois grave et doux. C’était juste, simple, très humain.

C’est quoi, concrètement, une soirée de bénévolat ?

J’arrive en début de soirée, je retrouve mes co-bénévoles, on prend le temps de se parler. Ensuite, on rejoint l’équipe pour la transmission : on fait le point sur la journée, les patients, les éventuelles difficultés. Puis je prends un temps avec les soignants, certains sont devenus des amis.
Avant les soins du soir, je fais un tour des chambres. Je regarde discrètement par les hublots : qui dort, qui ne dort pas, qui pourrait avoir besoin de quelque chose. C’est souvent par là qu’on perçoit une opportunité d’entrer en contact.
Ensuite, les appels commencent. Parfois ça sonne beaucoup. Je vais voir. Si c’est un souci simple, je m’en occupe. Sinon, je transmets aux soignants. Je suis un peu l’éclaireur. Parfois, de ces petits contacts naissent de vraies discussions. J’essaie de rester jusqu’à ce que les soins soient terminés, parfois tard, selon les besoins.

Et qu’est-ce que ça t’apporte, à toi ?

C’est une vraie leçon d’humilité. Parfois, des personnes apprennent leur diagnostic, et quelques semaines plus tard, elles ne sont plus de ce monde. Ça va vite. On prend conscience de la fragilité des choses. Et c’est aussi un moment de partage. Avec les patients, les familles, les soignants. J’entre dans une bulle, je ferme une parenthèse. Et puis je retourne à ma vie, même s’il arrive que certaines histoires me suivent un peu.

Est-ce que les soins palliatifs aident la société à aller mieux ?

Oui, pour ceux qui les connaissent. C’est un lieu de vie, de transmission, d’humanité. Si c’était mieux connu, mieux représenté, je pense que ce serait bénéfique. C’est un espace de générosité, d’écoute, d’humilité. Des valeurs dont on a bien besoin.

Et si tu avais un message à faire passer ?

Ce serait : donnez du temps aux autres. Pas forcément en soins palliatifs. Peu importe le type de bénévolat : aide alimentaire, accompagnement scolaire, musique en maison de retraite… mais offrez du temps. On a tous quelque chose à apporter. Donner du temps, c’est essentiel. Ça transforme.