Les yeux dans les yeux
Interview de Virginie P.

Quel est votre parcours et pour quelles raisons avez-vous accepté ce projet ?
Je trouve que c’est une belle idée d’immortaliser certains moments. Et puis, j’apprécie aussi l’idée de partager des choses que l’on ne dit pas toujours, que l’on garde souvent pour soi.
J’ai un cancer rare, diagnostiqué au printemps 2021. C’est un type de cancer qui, en général, se traite principalement par la chirurgie, mais il a la particularité de récidiver fréquemment. Dans mon cas, les rechutes sont presque annuelles. Aujourd’hui, il n’est plus opérable. On essaie donc de trouver des alternatives pour limiter la croissance des tumeurs. En ce moment, je suis en radiothérapie. J’ai également suivi une chimiothérapie il y a quelques mois. Ce cancer s’attaque à la graisse corporelle.
Depuis quand êtes-vous suivie en soins palliatifs ?
Depuis un an. Lorsque l’équipe médicale a estimé que le cancer n’était plus opérable, une prise en charge en soins palliatifs a été mise en place, notamment pour la gestion de la douleur.
Et qu’est-ce que cela vous apporte ?
Il y a énormément d’écoute, et cela fait beaucoup de bien. Lorsque je signale une douleur, des solutions sont rapidement proposées – que ce soit des médicaments ou d’autres approches. Il y a un vrai dialogue, une vraie qualité de présence. On peut aborder aussi des sujets plus personnels : la fatigue, les difficultés du quotidien, la vie familiale… C’est un espace où l’on peut tout dire.
Y aurait-il quelque chose dont vous auriez besoin en plus ?
J’aimerais davantage d’accompagnement autour de pratiques dites « décalées », comme la sophrologie, par exemple. On m’en a proposé, mais j’ignorais que cela existait dans ce cadre. Ce sont des approches qui pourraient vraiment m’aider.
Qu’est-ce qui est important pour vous aujourd’hui ?
Retrouver un peu de vitalité. Je suis très fatiguée au quotidien, et cela pèse. J’aimerais pouvoir vivre une journée « normale » de maman : aller au parc, faire une sortie, une exposition avec ma fille… Parfois, je dois renoncer parce que je sais que je ne tiendrai pas. C’est ce qui me pèse le plus : ce manque d’énergie.
Pour ce qui est de la douleur, je suis très bien suivie. J’ai des douleurs physiques liées aux tumeurs, et l’équipe adapte les traitements, fait des essais pour trouver ce qui me soulage le mieux. Je suis réellement bien accompagnée à ce niveau-là. Ils sont très compétents.
Souhaitez-vous faire passer un message ?
Oui, surtout en ce moment. Et je parle aussi au nom de ma mère, qui a fini sa vie en soins palliatifs. Elle avait un cancer, elle aussi. Je trouve que l’image que l’on se fait des soins palliatifs est encore très sombre, très négative.
Mais ce sont en réalité des personnes qui prennent soin de nous avec une immense humanité. Moi, je n’en suis pas encore à la fin de vie, mais j’ai vu, avec ma mère, qu’on ne souffre plus dans ces moments-là. Quand la douleur devient trop forte, il existe des moyens efficaces.
Ma mère, par exemple, était très angoissée. Elle a pu demander à être endormie en continu. Ses derniers jours, elle ne souffrait plus. Elle est partie dans son sommeil. Et ce genre de choix, on peut les faire – mais encore faut-il le savoir. Beaucoup de gens l’ignorent. Les soins palliatifs nous accompagnent réellement, avec douceur et attention, à chaque étape.
Moi, je ne viens que ponctuellement. Je ne suis pas en soins palliatifs 24h/24. Mais chaque fois que je viens, je me sens écoutée, soutenue, comprise. Et des solutions sont toujours recherchées.
Avez-vous été surprise lorsque l’on vous a proposé cette prise en charge ?
Oui, j’ai eu peur. Je connaissais les soins palliatifs à travers l’expérience de ma mère. Et dans mon esprit, cela signifiait la fin. D’autant plus que cette annonce est venue juste après qu’on m’ait dit que mon cancer n’était plus opérable. Je me suis alors imaginée mourir dans les mois qui suivaient.
Finalement, j’ai été rassurée. Mais c’est vrai que cela fait très peur, les soins palliatifs. On associe cela à la fin, alors qu’en réalité, ce n’est pas forcément le cas. C’est surtout un accompagnement, une prise en charge globale de la personne. Il existe plusieurs niveaux d’intervention. Il est important de le dire : les soins palliatifs, ce n’est pas uniquement le dernier chapitre. C’est une autre manière de prendre soin.
" Le soin palliatif, pour moi, c'était la fin. Finalement, j'ai été rassurée.
Mais c'est vrai que oui, ça fait peur.
Ce que je voudrais, aujourd'hui, c'est juste retrouver un peu de forme pour passer une journée normale de maman. "