Les yeux dans les yeux
Interview de Cécile B.

Pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre histoire ?
Je m’appelle Cécile. Ma maman est décédée le 16 septembre 2022. Elle avait un cancer du sein,
diagnostiqué assez tard et très agressif. Elle s’est battue avec beaucoup de courage.
Nous sommes cinq enfants, très unis, surtout depuis la perte de notre père dans un accident quand nous
étions jeunes. À un moment, maman est partie vivre chez mon frère dans le sud. Lors d’un week-end où
nous lui rendions visite, mon mari et moi avons compris qu’elle souffrait énormément. Elle nous appelait la
nuit. On était tous très démunis.
J’ai alors contacté une amie et l’infirmière qui suivait maman à Paris. Elles m’ont toutes deux conseillé
d’essayer de la faire entrer dans une unité de soins palliatifs. Alors on l’a rapatriée. Et dès son arrivée, on a
été très bien accompagnés.
Comment définiriez-vous les soins palliatifs ?
La première chose qui me vient, c’est l’accompagnement et le soulagement de la douleur. C’était essentiel
pour nous, car maman ne se plaignait jamais. Alors quand elle disait qu’elle avait mal, c’est que c’était
vraiment intense.
Mais les soins palliatifs, c’est bien plus que cela. C’est un moment de répit, un espace où l’on peut poser des
mots, se dire les choses. On sait que ce sont les derniers instants, alors on essaie d’être là, tout simplement.
C’est beaucoup de douceur, de présence, de bienveillance.
Il y a aussi une dimension spirituelle très forte, pour nous. Maman était croyante, et nous aussi. Dans cette
unité, tout s’est fait naturellement : l’aumônier, les prières… Elle a pu recevoir le sacrement des malades
entourée de ses cinq enfants. C’était un moment très fort, rendu possible aussi grâce à la délicatesse des
soignants, qui savaient nous dire : « Ce serait peut-être le bon moment. »
Vous, la famille, vous êtes-vous sentie accompagnée ?
Oui, profondément. Nous étions souvent réunis tous les cinq dans la chambre, avec nos conjoints et les
petits-enfants. Il y avait beaucoup de passages, et les bénévoles ont toujours su s’adapter, dans une grande
discrétion.
Ce qui m’a marquée, c’est la transformation qu’a vécue mon beau-frère. Il était plutôt favorable à
l’euthanasie, mais il a été bouleversé par ce qu’il a vu. Il est aujourd’hui bénévole en soins palliatifs. C’est
dire combien l’accompagnement qu’on a reçu a été fort.
Les soignants, eux, ont toujours pris le temps. Ils nous expliquaient avec patience. Quand maman ne pouvait
plus manger, ils nous ont dit pourquoi il fallait arrêter. Ils nous ont aidés à comprendre, à accepter, à laisser
partir. Ils ont su nous préparer, avec beaucoup d’humanité.
Combien de temps votre maman est-elle restée ?
Une semaine seulement. Mais cette semaine a été précieuse. Dès le début, ils nous ont dit qu’elle était au
bon endroit.
Un de mes frères avait du mal avec le mot “soins palliatifs”, comme si cela signifiait que tout était déjà fini.
Mais le fait d’avoir le temps de nous retrouver, de parler, de comprendre, a permis que chacun soit en paix
avec cette décision. Il n’y a eu ni regret, ni sentiment d’avoir subi quoi que ce soit.
Avez-vous un message à transmettre ?
Oui. Avant tout, un immense merci. Merci à toute l’équipe, aux soignants, aux bénévoles. Grâce à eux,
maman est partie comme elle avait vécu : avec confiance, foi et courage.
Elle avait cette phrase qu’elle nous répétait souvent : “Vivre la vie.” Elle avait connu des épreuves, mais elle
ne nous a jamais transmis son deuil comme un fardeau. Elle avait foi en l’humanité, elle croyait à la lumière
des autres. Et elle nous a transmis ça.
Les soins palliatifs, ce n’est pas abandonner. C’est donner tout ce qu’on peut, jusqu’au bout, sans
acharnement, avec une immense humanité. Je regrette que le débat public soit parfois si tranché, alors que
cette approche est nuancée, respectueuse, profondément humaine. Si plus de familles pouvaient vivre ce
type d’accompagnement, je pense que beaucoup changeraient de regard.
Je crois que, dans ses derniers instants, maman a pu retrouver un peu d’elle-même, dans un lieu rassurant,
calme, respectueux. Et ça, vraiment, ça n’a pas de prix.
" Les soins palliatifs, ce n'est pas abandonner.
C'est donner tout ce qu'on peut, jusqu'au bout, sans acharnement, avec une immense humanité.
Je crois que, dans ses derniers instants, Maman a pu trouver des instants de paix, sans souffrance, dans un lieu rassurant, calme et respectueux. "