Menu
Menu

Les yeux dans les yeux

Rencontres en soins palliatifs

Interview de Fiona F.

Depuis combien de temps es-tu bénévole et qu’est-ce qui t’a amenée à t’engager ?

Je suis bénévole depuis un peu plus de quatre ans en unité de soins palliatifs. C’est un bénévolat très particulier, mais que je souhaitais faire depuis très longtemps. J’ai vécu neuf ans à Bruxelles, où j’ai découvert les soins palliatifs à travers des émissions. J’ai trouvé ça extraordinaire.
Et puis la vie m’a sensibilisée à ces sujets : j’ai perdu ma mère à la naissance de mon fils, à un moment où je n’ai pas eu l’énergie de l’accompagner comme je l’aurais voulu. J’avais 30 ans. J’ai aussi perdu un enfant.
Tout cela m’a rapprochée de l’essentiel : l’attention à l’autre, l’humanité.
Ce bénévolat, je l’ai longtemps porté en moi. Mais pour le vivre pleinement, il faut être disponible à soi pour pouvoir être présent à l’autre. Quand j’étais salariée, je n’avais ni le temps ni l’espace intérieur pour cela.
C’est après le confinement que ça a mûri : j’ai créé ma propre structure, me suis formée au coaching, ce qui m’a permis de libérer du temps, et de m’engager. Aujourd’hui, je consacre chaque jeudi à cette mission.

C’est un engagement fort ?

Oui, très. Je commence vers 9h15, je termine autour de 15h. On participe aussi à des groupes de parole, des
formations, et il y a une vraie conscience de l’engagement. Ce n’est pas un bénévolat qu’on fait “de temps
en temps”. C’est une place dans une équipe. Et on reçoit énormément. On donne un peu, mais on reçoit
tellement. C’est un bénévolat de cœur et d’humanité.

Et une matinée de bénévolat, concrètement, ça ressemble à quoi ?

J’arrive dans la salle des bénévoles, je consulte les carnets avec les informations des patients — toujours
dans le respect de la confidentialité. Ensuite, on assiste aux transmissions avec les soignants. C’est un
moment fort, on est silencieux, mais présents. Après ça, on se met en mouvement, on pousse parfois des
portes… ou pas. On sent. On écoute.

Comment définirais-tu les soins palliatifs, en un ou deux mots ?

Je dirais : présence humaine.
C’est un accompagnement de la personne dans son entièreté, dans sa douleur physique bien sûr, mais aussi
dans sa souffrance morale, son histoire, ses valeurs. C’est une approche profondément globale. On ne soigne
pas seulement un corps, on est là pour une personne dans ce qu’elle est, ici et maintenant.

Et toi, ça t’apporte quoi ?
Cela m’apporte énormément. Je suis passionnée par l’humain. Et ici, on est au cœur de l’humain. C’est un
temps qui est “hors du temps”. Quand j’entre dans l’unité, je ne pense plus à rien. On est dans un autre
rythme, un autre espace. Ce sont des rencontres qui demandent de la délicatesse, une écoute particulière.
Parfois, ce sont des paroles, parfois juste des regards. Parfois, des silences. Et ils sont magnifiques.
Quand j’en sors, j’ai une bouffée de vie. Ce bénévolat remet les pendules à l’heure. Il change le prisme à
travers lequel je regarde la vie.

Est-ce que tu échanges beaucoup avec les malades ?

Je suis surtout dans l’écoute. L’objectif, ce n’est pas de remplir. Il y a des silences qui disent beaucoup.
Parfois, je ne pousse même pas certaines portes. Parce que plus on avance dans ce bénévolat, plus on
comprend que ce n’est pas une question de quantité, mais de justesse.
Je me dis parfois : “Et moi, si j’étais malade, est-ce que j’aurais envie qu’un bénévole vienne ?” Cette
question m’accompagne. C’est une relation très subtile, où la liberté de l’autre prime. C’est à eux de dire
oui, de dire non, de dire stop. On n’impose rien. On propose simplement d’être là.

Si tu avais un message à faire passer ?

Je crois qu’il y a une vérité très forte dans ces moments. C’est dur, la mort n’est pas “belle”. Mais il y a une
présence, une humanité. On enlève les masques. Il reste l’essentiel. Et on se rend compte, en réfléchissant à
la fin de vie, qu’on parle en fait de la vie elle-même, de notre façon d’être au monde, avec les autres.

" On est là pour une personne dans ce qu'elle est, ici et maintenant.
On reçoit tellement, c'est un bénévolat de cœur et d'humanité.
En réfléchissant à la fin de vie, on parle de la vie elle-même, de notre façon d'être au monde, avec les autres ".